Le petit chat est mort
C'était un cours d'improvisation. Un exercice classique dont la première étape consiste, pour chaque participant, à écrire une phrase sur un morceau de papier. La suite de l'exercice est complètement délirante, mais ce n'est pas de ça que j'ai envie de parler aujourd'hui.
On me demande donc d'écrire une phrase en français sur un bout de papier, et pour moi c'est évident, la phrase sera "Le petit chat est mort.". Je ne sais même pas pourquoi. Oui, il fut une année où j'écoutais un peu trop "Les Vieux" de Jacques Brel dans mon ipod, mais j'ai l'impression que cette phrase vient de plus loin.
"Le petit chat est mort", ça sonne bien, non? C'est rythmé, ça offre des tas de possibilités sur une scène, on peut le dire avec un air un peu triste ou complètement détaché, on peut le hurler comme si on venait d'assister à une scène horrible mettant en cause un petit chat et des roues de camion.
Le petit chat est mort, donc.
Le prof récupère les papiers et lit les phrases à haute voix. Arrivé à la mienne: "Le petit chat est mort. Je l'attendais celle-là! Vous savez qu'à chaque fois qu'un professeur fait cet exercice en France, il a 90% de chance de tomber sur cette phrase? ".
Et moi qui pensais être originale. Pour le coup j'ai réagit comme une Française moyenne. Moi qui me targue de porter haut les couleurs de mon continent, de mes cultures, moi qui aime bien titiller mes copains à coup de "C'est très français, tout ça...", moi qui met un point d'honneur à faire manger du mafé à Charles-Henri et à Marie-Alix, on me demande une phrase et mon subconscient me fait réagir comme une petite Française moyenne.
Après toutes ces années à baigner dans les cultures française et francophone, c'est peut-être normal que la France s'insinue partout dans mes pensées.
Il y a quelques années je n'aurais peut-être même pas relevé l'anecdote. Peut-être en aurais-je même été fière, autant que je suis fière par exemple d'avoir intégré autant de cultures africaines différentes, d'être cette personne unique, partout chez elle, capable d'adopter les comportements locaux au point où dans ces capitales africaines on ne me demande plus d'où je viens.
Mais j'ai vieilli depuis, j'ai relu Fanon (de moi-même cette fois), j'ai redécouvert Césaire, j'ai appris que Cheikh Anta Diop n'avait rien d'un grand oncle un peu fou-fou que personne ne contredit mais que personne n'écoute vraiment non plus.
J'ai appris l'histoire de la Vénus Hottentote, celle des zoos humains, celle des tiraillleurs-chair-à-canons "sénégalais".
J'ai posé un autre regard sur Tintin au Congo, sur Banania, sur cette "joie de vivre" qu'on nous colle à toutes les sauces et qu'on appelle "capacité de résilience" quand elle ne concerne pas des Noirs naïfs et "joyeux par nature".
J'ai expérimenté la recherche de stage, la recherche d'appartement, Et vous faites souvent des plats de chez vous? Et vous invitez souvent de la famille à dormir?, les commerçants qui vous suivent dans les rayons, les vendeuses des boutiques un peu chic qui ont l'étonnante capacité de voir à travers votre corps la cliente qui entre juste après vous dans le magasin.
Malgré tout, malgré moi, je sais qu'une partie de moi a été, est colonisée par la France. Et je ne sais pas quoi en faire. Pour l'instant j'ai juste décidé de la traiter comme une piqûre de guêpe, ne pas y penser, se concentrer sur autre chose, continuer à apprendre l'Afrique et l'histoire des Noirs, continuer à apporter ma petite goutte d'eau pour le développement de mon continent.
Pour le reste, on verra.
On me demande donc d'écrire une phrase en français sur un bout de papier, et pour moi c'est évident, la phrase sera "Le petit chat est mort.". Je ne sais même pas pourquoi. Oui, il fut une année où j'écoutais un peu trop "Les Vieux" de Jacques Brel dans mon ipod, mais j'ai l'impression que cette phrase vient de plus loin.
"Le petit chat est mort", ça sonne bien, non? C'est rythmé, ça offre des tas de possibilités sur une scène, on peut le dire avec un air un peu triste ou complètement détaché, on peut le hurler comme si on venait d'assister à une scène horrible mettant en cause un petit chat et des roues de camion.
Le petit chat est mort, donc.
Le prof récupère les papiers et lit les phrases à haute voix. Arrivé à la mienne: "Le petit chat est mort. Je l'attendais celle-là! Vous savez qu'à chaque fois qu'un professeur fait cet exercice en France, il a 90% de chance de tomber sur cette phrase? ".
Et moi qui pensais être originale. Pour le coup j'ai réagit comme une Française moyenne. Moi qui me targue de porter haut les couleurs de mon continent, de mes cultures, moi qui aime bien titiller mes copains à coup de "C'est très français, tout ça...", moi qui met un point d'honneur à faire manger du mafé à Charles-Henri et à Marie-Alix, on me demande une phrase et mon subconscient me fait réagir comme une petite Française moyenne.
Après toutes ces années à baigner dans les cultures française et francophone, c'est peut-être normal que la France s'insinue partout dans mes pensées.
Il y a quelques années je n'aurais peut-être même pas relevé l'anecdote. Peut-être en aurais-je même été fière, autant que je suis fière par exemple d'avoir intégré autant de cultures africaines différentes, d'être cette personne unique, partout chez elle, capable d'adopter les comportements locaux au point où dans ces capitales africaines on ne me demande plus d'où je viens.
Mais j'ai vieilli depuis, j'ai relu Fanon (de moi-même cette fois), j'ai redécouvert Césaire, j'ai appris que Cheikh Anta Diop n'avait rien d'un grand oncle un peu fou-fou que personne ne contredit mais que personne n'écoute vraiment non plus.
J'ai appris l'histoire de la Vénus Hottentote, celle des zoos humains, celle des tiraillleurs-chair-à-canons "sénégalais".
J'ai posé un autre regard sur Tintin au Congo, sur Banania, sur cette "joie de vivre" qu'on nous colle à toutes les sauces et qu'on appelle "capacité de résilience" quand elle ne concerne pas des Noirs naïfs et "joyeux par nature".
J'ai expérimenté la recherche de stage, la recherche d'appartement, Et vous faites souvent des plats de chez vous? Et vous invitez souvent de la famille à dormir?, les commerçants qui vous suivent dans les rayons, les vendeuses des boutiques un peu chic qui ont l'étonnante capacité de voir à travers votre corps la cliente qui entre juste après vous dans le magasin.
Malgré tout, malgré moi, je sais qu'une partie de moi a été, est colonisée par la France. Et je ne sais pas quoi en faire. Pour l'instant j'ai juste décidé de la traiter comme une piqûre de guêpe, ne pas y penser, se concentrer sur autre chose, continuer à apprendre l'Afrique et l'histoire des Noirs, continuer à apporter ma petite goutte d'eau pour le développement de mon continent.
Pour le reste, on verra.
2 Comments:
At 1:05 PM, Anonyme said…
une piqure de guêpe..d'accord...mais il faut absolument retirer le dard
car lis cette definition empruntée à wikipedia.fr (attention sequence culture!)
LE DARD
"Tout organe pointu d'attaque ou de défense, en particulier s'il est connecté à une glande venimeuse, et adapté pour provoquer une blessure par percement, comme le dard caudal du scorpion. Le dard d'une abeille ou d'une guêpe est une modification de l'organe de ponte. Le dard caudal, ou aiguillon, d'une raie à aiguillon (famille des Dasyatidae) est une nageoire dorsale modifiée. Le terme est parfois appliqué pour les crocs d'un serpent.
Un poil creux pointu situé sur une glande qui sécrète un liquide corrosif, comme chez les orties. Les pointes de ces cils se brisent en général dans la plaie, et le liquide corrosif y est injecté."
le liquide corrosif y est injecté ....tout est dit ! :o..qui par analogie est tous les mensonges et les desastres causés par le monde occidental à l'Afrique (esclavage , colonisation) :o , aussi physiques que mentaux
le fait de se reapproprier son histoire et sa culture comme tu le fais..et comme d'autres devraient....contribuer à faire evacuer ce liquide corrosif si longtemps injecté dans le cerveau des africains
At 3:21 PM, Pokou said…
Merci Angie, c'est très pertinent ton histoire de dard...
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